LA RELIGION…

 

        La religion, toute religion, est travaillée par un besoin profond et un dynamisme puissant d’intégration et d’exclusion en vertu de sa mission de « relier » les hommes à la divinité, mission qu’elle reçoit comme un privilège et qu’elle exerce comme un monopole. Il est donc de sa nature de fabriquer des exclus : se constituant en lieu de salut, elle exclut du salut, tous ceux (tous les peuples) qui ne lui appartiennent pas ; elle exclut aussi, en les excommuniant, ceux de ses membres qui dérogent à ses préceptes et qu’elle déclare «  pécheurs ».

 

      Elle est par nature totalitaire, parce qu’elle considère de sa mission  de  relier les hommes à Dieu dans sa totalité de leur existence et de leurs comportements. Elle entend donc régenter la vie sociale, organiser le vivre-ensemble, imposer sa marque à la société, et elle le fait en édictant des interdits nombreux et minutieux (elle interdit, par exemple, la fréquentation des pécheurs, des hérétiques, de certaines catégories  de malades, en imposant le respect de ses observances et de ses traditions (ainsi des règles de pureté qui « marquent » l’étendue de son territoire).

 

      Elle tolère cependant des accommodements, mais c’est elle qui décide par l’entremise de gens pourvus d’autorité, et elle ne tolère pas que des individus prennent d’eux-mêmes leurs libertés à l’égard de ses règles, ce qui serait attentatoire au lien religieux ; c’est pourquoi elle se réserve le monopole du pardon des péchés, non qu’elle prétende le donner  elle-même, mais elle dit où, de quelle façon, à quelles conditions il peut être obtenue de Dieu, ce qui revient à exercer indirectement son pouvoir sur ce pardon.

 

     C’est donc encore par nature qu’elle ne peut laisser les individus aller librement à Dieu, chercher sa volonté à leur égard, exercer la responsabilité de leurs choix et de leurs jugements d’inventer leur propre voie vers Dieu : en toutes choses, elle impose sa médiation, car elle est la seule voie vers lui, le seul lien entre lui et eux. Sur toute la société dont elle s’estime chargée, elle fait régner l’ordre sacré et la sainteté du temple, aussi toute tentative d’écarter sa médiation et de passer outre, ou de s’interposer entre elle et Dieu pour rompre le lien  qu’elle prétend constituer à elle seule entre lui et les hommes, sera-t-elle incriminée au titre de «  blasphème » envers la divinité.

 

     Or en traçant cette description de la religion, on n’a fait que suivre le déroulé des conflits ci-dessus relevés entre Jésus et les adversaires que ses enseignements et comportements avaient dressés contre lui. Il dénonce les prétentions hégémoniques de la religion : des peuples venus d’ailleurs entreront dans le royaume de Dieu, des gens qu’elle a chassés de chez elle également, tandis que ceux pour qui elle avait réservé les premières places en seront délogés.

 

     Il dénonce son emprise totalitaire sur la vie des individus : à chacun de prendre devant Dieu la responsabilité de ses jugements  et de ses actes, de décider si un devoir d’éthique ne l’emporte pas sur un précepte religieux, d’alléger son obéissance à dieu des poids insupportables que la tradition des hommes à ajoutés. Il pose le principe de la liberté de l’accès de Dieu sans passer par les contraintes des médiations religieuses : « va ta foi t’a sauvé ». « Qu’il te soit fait comme tu as cru ».

 

     Du fait qu’il relativise l’obéissance à la loi religieuse, il donne toute sa force à la loi éthique, il ouvre le champ éthique, tout profane qu’il est, comme un lieu où Dieu se donne à rencontrer, incognito, et où la charité fraternelle prend à ses yeux, valeur de foi envers sa Paternité universelle.

      

Dieu qui vient à l’homme. Joseph Moingt. Ed du Cerf.

       A lire…

                                                                                    

 

 

DIEU QUI VIENT A L’HOMME …

 

         C’est Dieu qui vient lui-même chercher les exclus et les pécheurs, là où ils sont pour les ramener auprès de lui, sans condition, « aujourd’hui même, tu  seras avec moi » Le Dieu qui offre son pardon à ceux-là mêmes qui le traitent en ennemi, le Dieu compatissant à toute souffrance, libérateur de toute injustice, réparateur des violences que les hommes se font les uns aux autres, Dieu qui vient se réconcilier avec le monde , sans réclamer de contrepartie, Dieu dont le cœur se montre plus large et plus ouvert que toute enceinte sacrée, et le joug moins contraignant qu’aucune loi religieuse, car c’est celui de l’amour.(Mat XI,28-30)

       En répondant par un pardon de pure gratuité à la condamnation portée contre Jésus  au nom de la loi, Dieu affranchit les hommes de la sujétion à la loi religieuse et de la condition de servitude à laquelle elle les réduit à l’égard de Dieu, et confirme que le plus sûr chemin vers son royaume est celui que Jésus a enseigné et tracé par son Evangile pour tous les cœurs justement épris de liberté.

 

Dieu qui vient à l’homme. Joseph Moingt  ed. du cerf.

 

RETOUR